Selon B. Edeman, "La fonction même du droit moral - expression juridique abstraite du rapport de l'auteur à son oeuvre - est d'empêcher que l'oeuvre ne devienne un "bien" comme un autre. Si l'on supprimait le droit moral ou, dans une version plus douce, si l'on en acceptait la cession, rien ne distinguait plus, en son fond, l'oeuvre d'un autre bien de consommation." (JurisClasseur Propriété littéraire et artistique, fascicule 1112). Or s'il est bien un point de droit sur lequel droit d'auteur et copyright s'oppose, c'est précisément sur la question du "droit moral".
L'expression 'moral rights', bien que directement inspirée de notre expression "droits moraux", ne renvoie aucunement à une même et identique conception, comme le confesse David Vaver dans son article 'Moral Rights Yesterday, Today and Tomorrow' (International Journal of Law and IT, 1999).
D'abord parce qu'au Royaume Uni, le droit moral n'est pas considéré comme le seul moyen de défendre les droits de l'auteur. Le copyright anglais laisse une large place au concept de common law que sont notamment, le 'passing off' (et le 'reverse passing off'), la 'defamation', et surtout l'aménagement contractuel (comme le 'publishing contrat' en matière d'édition).
Ensuite parce que selon la conception anglaise, c'est donner trop de pouvoir à l'auteur. C'est méconnaître l'actuelle processus de création (le créateur n'est pas un "créateur solitaire"), largement fondé aujourd'hui sur la collaboration et l'inter-textualité. Or, si l'auteur a créée une oeuvre, c'est en s'appuyant sur ce qui s'est fait avant lui, et parce que l'industrie lui donne les moyens de réaliser son oeuvre. Dans ce cas, le droit moral est un droit droit "capricieux" et "égoïste", et lorsque l'auteur l'exerce, c'est au seul détriment de l'entrepreneur.
Enfin, selon G. Pessach dans son article 'the Author's Moral Right of Integrity in Cyberspace', le droit moral empêche la developpement d'oeuvres secondes et génère des conflits avec d'autres droits fondamentaux, comme la liberté d'expression. Le droit au respect de l'oeuvre pourrait être invoqué pour mettre fin à une oeuvre parodique par exemple. Dès lors, le droit moral priviligierait les intérêts privés à ceux du public.
Bien sûr, ces critiques sont en elles-mêmes critiquables. Par exemple, est-il vraiment de l'intérêt du public de se nourrir d'un nombre toujours croissant d'oeuvres, précisément lorsqu'il est avéré que ces oeuvres naissent de la dénaturation des oeuvres sur lesquelles elles s'appuient? Il ne fait alors aucun doute que cela conduit en définitive à un appauvrissement de la culture.
On comprend donc rapidement ce qui nous oppose : une conception de la culture. Pour le Royaume Uni, la culture, et sa protection par le droit, se conçoit avant tout comme divertissement et loisir, de sorte qu'une "oeuvre intellectuelle" est considérée comme un "produit culturel". Dès lors, on comprend ce qui suit.
Notre droit moral est perpétuel, inaliéable et imprescriptible. Les "morals rights", quant à eux, sont protégés au mieux pour une durée égale à celle des droits patrimoniaux (conformément à la Convention de Berne), soit 70 ans post mortem, et sont cessibles par contrat écrit.
En substance, le CDPA de 1988 reconnaît, comme la loi de 1957, le droit à la paternité ('right of attribution') et le droit au respect de l'oeuvre ('right of integrity'). En revanche, il reconnaît à un auteur le droit de s'opposer lorsque celui-ci a été faussement associé une oeuvre qui n'est pas de son propre fait ('the right to object to false attribution'), mais ne reconnaît pas le droit de divulgation et son corollaire, le droit de repentir et de retrait.
Notre droit moral repose principalement sur le droit de divulgation, un droit discrétionnaire susceptible d'abus. Voilà ce que souhaite précisément éviter le droit anglais. Au Royaume-Uni, le droit de divulgation est considéré comme un droit économique, au sens où il est compris dans le droit de publication (et donc négocier contractuellement). Ainsi, lorsque l'auteur s'est contractuellement engagé à l'égard d'un éditeur ('publisher'), il ne peut revenir sur sa décision de publication.
En France, c'est le contraire, bien qu'un contrat soit conclu, l'auteur peut revenir sur sa décision de divulgation pour les raisons qui sont les siennes, avant que l'éditeur (par exemple) n'est exécuté le contrat (droit de repentir), mais également une fois que l'oeuvre est sur le marché (droit de retrait). L'auteur devra tout de même indemniser l'éditeur en contrepartie (article L. 121-4 CPI), et s'il se décide à republier l'oeuvre, alors l'auteur doit faire une offre d'abord à l'ancien éditeur (droit de préemption au profit de l'éditeur).
En France, l'auteur est le seul à même de décider quand et comment aura lieu la divulgation (puisque cela revient, en coupant le "cordon ombilical", à faire passer l'oeuvre de la sphère privée à la sphère public), et cette divulgation doit être sous tendue et par une intention (volonté), et par un acte matériel (manifestation de volonté). En ce sens, l'acte de divulgation se rapproche du contrat réel. Mais ce droit ne s'épuise pas lors de la première divulgation (contrairement en droit anglais).
Voilà les principales différences esquissés, reste à souligner une nouvelle fois que les droits moraux sont cessibles en droit anglais (mais l'auteur pourra toujours s'appuyer sur le droit de la common law), ce qui bien sûr, est surprenant, car en faisant l'objet de négociations contractuelles, ces droits moraux reçoivent un traitement économique. Par ailleurs, le droit droit anglais relatif à la dénaturation est moins radicale que celui qui s'opère en France.
Pour une étude comparative du droit moral dans les pays européens, je vous renvoie à cette étude de la commission européenne, 'Moral rights in the context of the exploitation of works through digital technology'.
L'expression 'moral rights', bien que directement inspirée de notre expression "droits moraux", ne renvoie aucunement à une même et identique conception, comme le confesse David Vaver dans son article 'Moral Rights Yesterday, Today and Tomorrow' (International Journal of Law and IT, 1999).
D'abord parce qu'au Royaume Uni, le droit moral n'est pas considéré comme le seul moyen de défendre les droits de l'auteur. Le copyright anglais laisse une large place au concept de common law que sont notamment, le 'passing off' (et le 'reverse passing off'), la 'defamation', et surtout l'aménagement contractuel (comme le 'publishing contrat' en matière d'édition).
Ensuite parce que selon la conception anglaise, c'est donner trop de pouvoir à l'auteur. C'est méconnaître l'actuelle processus de création (le créateur n'est pas un "créateur solitaire"), largement fondé aujourd'hui sur la collaboration et l'inter-textualité. Or, si l'auteur a créée une oeuvre, c'est en s'appuyant sur ce qui s'est fait avant lui, et parce que l'industrie lui donne les moyens de réaliser son oeuvre. Dans ce cas, le droit moral est un droit droit "capricieux" et "égoïste", et lorsque l'auteur l'exerce, c'est au seul détriment de l'entrepreneur.
Enfin, selon G. Pessach dans son article 'the Author's Moral Right of Integrity in Cyberspace', le droit moral empêche la developpement d'oeuvres secondes et génère des conflits avec d'autres droits fondamentaux, comme la liberté d'expression. Le droit au respect de l'oeuvre pourrait être invoqué pour mettre fin à une oeuvre parodique par exemple. Dès lors, le droit moral priviligierait les intérêts privés à ceux du public.
Bien sûr, ces critiques sont en elles-mêmes critiquables. Par exemple, est-il vraiment de l'intérêt du public de se nourrir d'un nombre toujours croissant d'oeuvres, précisément lorsqu'il est avéré que ces oeuvres naissent de la dénaturation des oeuvres sur lesquelles elles s'appuient? Il ne fait alors aucun doute que cela conduit en définitive à un appauvrissement de la culture.
On comprend donc rapidement ce qui nous oppose : une conception de la culture. Pour le Royaume Uni, la culture, et sa protection par le droit, se conçoit avant tout comme divertissement et loisir, de sorte qu'une "oeuvre intellectuelle" est considérée comme un "produit culturel". Dès lors, on comprend ce qui suit.
Notre droit moral est perpétuel, inaliéable et imprescriptible. Les "morals rights", quant à eux, sont protégés au mieux pour une durée égale à celle des droits patrimoniaux (conformément à la Convention de Berne), soit 70 ans post mortem, et sont cessibles par contrat écrit.
En substance, le CDPA de 1988 reconnaît, comme la loi de 1957, le droit à la paternité ('right of attribution') et le droit au respect de l'oeuvre ('right of integrity'). En revanche, il reconnaît à un auteur le droit de s'opposer lorsque celui-ci a été faussement associé une oeuvre qui n'est pas de son propre fait ('the right to object to false attribution'), mais ne reconnaît pas le droit de divulgation et son corollaire, le droit de repentir et de retrait.
Notre droit moral repose principalement sur le droit de divulgation, un droit discrétionnaire susceptible d'abus. Voilà ce que souhaite précisément éviter le droit anglais. Au Royaume-Uni, le droit de divulgation est considéré comme un droit économique, au sens où il est compris dans le droit de publication (et donc négocier contractuellement). Ainsi, lorsque l'auteur s'est contractuellement engagé à l'égard d'un éditeur ('publisher'), il ne peut revenir sur sa décision de publication.
En France, c'est le contraire, bien qu'un contrat soit conclu, l'auteur peut revenir sur sa décision de divulgation pour les raisons qui sont les siennes, avant que l'éditeur (par exemple) n'est exécuté le contrat (droit de repentir), mais également une fois que l'oeuvre est sur le marché (droit de retrait). L'auteur devra tout de même indemniser l'éditeur en contrepartie (article L. 121-4 CPI), et s'il se décide à republier l'oeuvre, alors l'auteur doit faire une offre d'abord à l'ancien éditeur (droit de préemption au profit de l'éditeur).
En France, l'auteur est le seul à même de décider quand et comment aura lieu la divulgation (puisque cela revient, en coupant le "cordon ombilical", à faire passer l'oeuvre de la sphère privée à la sphère public), et cette divulgation doit être sous tendue et par une intention (volonté), et par un acte matériel (manifestation de volonté). En ce sens, l'acte de divulgation se rapproche du contrat réel. Mais ce droit ne s'épuise pas lors de la première divulgation (contrairement en droit anglais).
Voilà les principales différences esquissés, reste à souligner une nouvelle fois que les droits moraux sont cessibles en droit anglais (mais l'auteur pourra toujours s'appuyer sur le droit de la common law), ce qui bien sûr, est surprenant, car en faisant l'objet de négociations contractuelles, ces droits moraux reçoivent un traitement économique. Par ailleurs, le droit droit anglais relatif à la dénaturation est moins radicale que celui qui s'opère en France.
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1 commentaire:
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